(Paysage tahitien - peinture de Paul Gauguin)
LES FEUX ENFOUIS
Comme une pierre précieuse
teintée de couleurs vives
mais aussi rayée de noir
j'ai gardé ma jeunesse
dans le grand coffre à bijoux
de mon éternelle mémoire
je revois ainsi le jour
où je fus projeté
hors des profondeurs
de ma terre-mère
quand l'éclat de vie que je suis
au début figé dans une pose
chétive et tremblante
s'est peu à peu développé
en une flamme reluisante
que le souffle du temps
a mystérieusement façonnée
en un feu ardent
que l'instinct jaillissant
des entrailles de l'enfer
a brusquement transformé
en impétueux volcan
tout brûlant d'une force
émergeant sulfureuse
hors du chaud refuge
de son tectonique berceau
déployant naturellement
son étincelante furie
pétaradant et se cristallisant
en une matière noble
une montagne souveraine
aux penchants débordants
de cendres existentielles
aux ruisseaux grouillants
de créatures nouvelles
imbues d'audace et d'inventivité
une plénitude fertile
s'étalant au grand jour
davantage et toujours
par-delà les frontières
de son magma natal
créant et recréant
les conditions de son destin
au rythme des secousses
de son caractère bouillant
à l'ombre prolongée
de ses rêves nonchalants
toutes flambées et langueurs
revues naïvement
à travers le prisme flamboyant
de mon caillou romantique
dont la valeur nostalgique
doit maintenant retourner
à l'écrin velouté
obscur et profond
de l'âme du monde
où somnolent tranquilles
tous les feux enfouis
du passé révolu
et du futur informe